vendredi 15 mars 2024

(Jacob, Ange, Jésus et Sébastien,)

Et de Jacob et d’Ange, je reste la hanche, et de Jésus et Sébastien je reste le flanc, percé de l’intérieur, et dedans et hors, ils flambent, je reste, je couvre peau sur peau, voiles pour témoins, je couvre, de tout je souffre, et tout possède le présent, moment absenté, joug contenu des épaules et des bras, les fils tendus, du reste et du pauvre, au temps venu, au jour accompli,

(Ostie et Le Pirée, Pier Paolo et Démosthène,)

À renaître, à compter blessures et griffures, la main et le Malin, le temps sans le repos, les ombres en mesure, l’eau et le sel, faire pour partir, dire pour compter, des yeux à ouvrir, des écorces et la peau labourée, le temps répandu du flanc aux chevilles, hanche, nerf tournant, sans dire, sans faire, des rondes et des tours, pour parler d’amour, de liberté et lucidité, de plages et de raisons, Ostie et Le Pirée, Pier Paolo et Démosthène, petits cailloux sous la langue, marche sur le sable, je rencontre chaque mot au bout de la langue, petit mâle du bout du pied, tourner et comprendre, se reprendre, je suis sur le rivage, disant et gisant,

(Guillaume, Jean, André,)

Ange perdu, et la hanche, le ton, la hauteur, nous sommes perdus et tenaces, la  chaleur, le poids sur la jambe, le poids sur la langue, sans mentir, sans tenir du feu, des pas qui vont, venant se retirent, Ange barbu, croisé dans la réalité, soutenu, revenu, je reconnais le ton, je vois le pas, la foule écartée, le grand, le petit bétail sur le sable, le pied dans l’eau, hardi marin, y penser, les mâts flambent, tout glisse dans l’eau de mer, des épreuves, des jours à chiffrer, pour rire, pour aimer, heureux le pays couronné d’une montagne, oiseau vole,

(Jacob, Ange, Jésus et Sébastien,)

Et du silence revenu, de l’espoir engrangé, tu marches, hanche faillie, sans prendre, ni eau, ni sucre, un combat, un Ange est devant, de l’aube, du soir, belle et triste, une saison, un retour, des aventures, sur le tout, sur le tard, les ombres déplacées, les arbres au retour, les grains éparpillés, tenus, remplis, les mains, les pieds et la hanche, sur l’édifice, tout à brûler, tout à couler, des heures, du vent, lentement récupère, fortement, je couvre, de tout je souffre, tout possède le présent, réalité, soutenu, revenu, je reconnais le ton, je vois le pas, la foule écartée, pour comprendre, les pas sur l’eau, Jacob, Ange, Jésus et Sébastien, Ostie et Le Pirée, Pier Paolo et Démosthène, Guillaume, Jean, André, et le reste qui tout recouvre.

19 août 2023.

2 commentaires:

  1. La Julia
    (1943)

    I

    Nous Lui demandions la pitié. Et Lui
    nous donnait la mort.
    Pas à nous. Non.
    Pas à ce village,
    mais à la jeunesse.
    Et nous, au lieu
    de Le blasphémer,
    nous Le prions encore et regardons vers lui,
    enluminé dans le Ciel, entouré de ses nouveaux jeunes,
    nus, blessés, transis de froid.
    Notre salut ne nous donne pas le droit d'oublier ces morts,
    mais bien de les pleurer toujours
    et d'en vouloir à la vie qui est en nous
    parce qu'elle n'est plus en Eux.
    Oui, il nous faut pleurer parce que nous avons leur gaieté.
    Parce que nous respirons leur air.
    Parce que nous voyons leur maison.
    Parce que nous nous lavons dans leur ruisseau.
    Parce que nous nous chauffons à leur soleil.

    II
    Nous devons payer notre note
    à ceux que désormais plus rien ne peut consoler
    et qui, par bonheur, ne nous entendent pas
    si, soulagés, nous rions dans le monde.
    Sombres, aveugles, pauvres, muets, nos jeunes morts,
    vous nous regardez désormais du Ciel
    comme un père
    en colère regarde ses fils.
    Ah, notre sacrilège
    Gaieté
    D’être encore vivants,
    D’avoir sauvé notre vie
    Grâce ç votre mort !
    Mais Lui se rit de vous,
    Tandis que nous restons ici-bas
    Avec notre vieux destin.
    Et, parmi tous les péchés,
    Nous faisons aussi celui de Le prier…

    III
    O Mère de Dieu, fais
    en sorte qu’ils t’entourent contents
    et frais et que rien dans le Ciel,
    ni chants,
    ni lumières,
    ne consume leur chair vive de jeunes !
    Qu’ils n’apprennent pas là-haut
    A mépriser leurs lèvres,
    Leurs yeux, leurs flancs, leur pétulance
    D’enfants devenus hommes
    Depuis peu de temps, dans ce village.
    Qu’ils n’oublient pas, devant Ton Fils,
    De rire les mains sur la bouche
    Et de siffler assis sur les marches de l’autel.
    Fais en sorte qu’ils t’honorent par leur bonté.
    S’ils ne t’ont priée qu’un peu au Sanctus,
    ils ont toujours, toujours fait comme ton Fils
    au corps torturé par le soleil
    et l’obscurité des fêtes des pauvres gens.
    Que tes yeux ne s’abaissent pas
    à regarder le péché qu’exhalent leur corps puissant
    et leur innocent rire d’amour.
    O Mère de Dieu,
    si, après quelque averse de grêle,
    une fraîche senteur de terre et de fumée
    s’élève de ce village jusqu’au paradis,
    fais qu’ils ne sentent pas dans leur cœur
    le battement des cloches,
    le vert des champs,
    l’odeur de leurs vêtements.

    Pier Paolo Pasolini / Poèmes oubliés / Actes Sud…p. 23 à 29

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