mardi 28 février 2023

Révélé.

Dire son souffle et combler ce qui tient dans le vide, ce qui concentre et continue, je suis ici aussi pour le détour, on arrive, et ému et compris, on serre, on déploie des bouquets de tendresse, des feuilles pour l’ombre et des fruits pour chaque soif, dire, dit-on son souffle et son vide, en creux on continue,

une ouverture et l’air, et puis comme une pince entre le souffle et le grain, le timbre, et tombant, et calculant, tu révises et tu argumentes, ils sont ici et je retourne, et plus de châtiment et plus de péripéties, tu reviens et tu observes, le souffle à l’intérieur et les arcades, sous ceci, sous cela, et côtes dépliées,

sous la surface au coin, au recoin, tu auscultes le souffle et la fatigue, les parois agencées, les rires évacués, tu tiens et tu te redresses, pour fuir la bosse des bossus, pour éblouir encore et un peu un monde finissant, nous sommes au crépuscule, et je te dis, et je te tiens, tu sers aussi un beau discours,

de belles phrases, des sentiments émus, des soubresauts, comme un pied nu sur des graviers, et saute, et déploie, il te reste à compter, à faucher, à engranger les épis mûrs, tu restes et tu écoutes, greniers comblés, avoines folles, tu te sers et tu ressers, sortant de ces vieilles histoires tu écourtes la réflexion,

miroir perdu, cœur oublié, note en place, et fragile tout se tient, mais tout est fatigué, tu épuises et tu tires sur ce qui te reste, ombre perdue, ombre posée, Orphée, Eurydice est-elle encore, et tu respires, encore et encore, achève la saison, découvre le partage, rends au centuple tes emprunts, tu cherches,

tu domines, dominerais-tu, il te reste encore à affirmer, tiens-toi droit, et marche, approuve le sentier, ne retiens pas ton pas, il faut, il faut, épargner et reprendre, dépenser, et comptant sans compter, étaler ses richesses, je suis au-devant et au-devant je touche, à la rencontre des eaux, je forme une assemblée,

en terre et en mer, de branches en branches, d’émotions en émotions, dit-on son souffle et son vide, en creux on continue.   

24 août 2022.

2 commentaires:

  1. "Jardins de Biskra.

    Le temps gris d’aujourd’hui ; mimosas parfumés. Tiédeur mouillée. Des gouttes épaisses ou larges, flottantes, et comme en formation dans l’air… elles s’arrêtent aux feuilles, les chargent, puis tombent brusquement.
    … Je me souviens d’une pluie d’été ; — mais était-ce encore de la pluie ? — ces gouttes tièdes qui tombèrent, si larges et pesantes, sur ce jardin de palmes et de jour vert et rose, si lourdes que des feuilles et des fleurs et des branches roulèrent, comme un don amoureux de guirlandes défaites à foison sur les eaux. Les ruisseaux entraînaient les pollens pour des fécondations lointaines ; leurs eaux étaient troubles et grasses. Dans les bassins les poissons se pâmaient. On entendait au ras de l’eau l’éclosion de la bouche des carpes.
    Avant la pluie, le vent du midi qui râlait avait enfoncé dans la terre une très profonde brûlure, et les allées maintenant s’emplissaient de vapeur sous les branches ; les mimosas ployaient, comme abritant les bancs où s’étalait la fête. — C’était un jardin de délices ; et les hommes vêtus de lainages, les femmes de haïks rayés, attendaient que l’humidité les pénétrât. Ils restaient comme avant sur les bancs, mais toutes les voix s’étaient tues, et chacun écoutait les gouttes de l’averse, laissant l’eau, passagère au milieu de l’été, alourdir les étoffes et laver les chairs proposées. — La moiteur de l’air, l’importance des feuilles étaient telles que je restais assis sur ce banc auprès d’eux, sans résistance pour l’amour. — Et quand, la pluie passée, les branches seules ruisselèrent, alors chacun ôtant ses souliers, ses sandales, palpa de ses pieds nus cette terre mouillée, dont la mollesse était voluptueuse."


    André Gide / Les nourritures terrestres / folio... p.138-139

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