mercredi 14 décembre 2022

  Va mourir. Que du sommeil reviennent.


Que du sommeil reviennent.

Et reviens, tu viendras, dans l’air qui force, dans l’air qui broie, qui tourne et recommence, au temps chaud, au temps des certitudes, nous attendons la vengeance et le châtiment, et tu le serais pour ta témérité, histoire ancienne, et dans l’air de force et de silence absolu, tu le serais pour ta témérité, par la chaleur,

comme des enfants cernés par l’amour, nous sommes, nous y sommes et devenons, tu confies et tu acceptes, et de feu et de sang, et gorges noires, tu cherches, sang et feu, ils y étaient, et venus, et gardés, et rendus, l’état est pitoyable, cela ne marque rien, rien ne se lance, tu ne rebondis pas, tenu tenant,

tu ne tiens sur rien, marchand d’oranges et d’éponges, sur la terre et les ondes, tu tournes, tournes, et tu ne dis rien, ni flamme, ni douceur, ni rien de ce qui croise, ni rien de ce qui retiens, et te dénonce, les paroles affreuses, les mots sans suite, pour longtemps le châtiment sur les ombres ouvertes,  

sur les chemins de feu, les rayons descendus, il tournoie et s’évapore, et tendu et serré, et devant la maison sur le banc de pierre il étend ses jambes, et touche l’avenir, et dire, si tout cela est simple, dire, presque trop bête et sans beaucoup, beaucoup, d’envergure tu reviens, il dit, tu te plains, il dit, disant,

va mourir, tu ne veux rien en dire, tu ne veux rien en faire, il faut recommencer, il faut aller au feu, il faut se souvenir et reprendre souffle, du feu et des cailloux, et des paroles fluides, que tout s’avance, que tout avance et ferme les yeux et la bouche, il faut que l’air avance, il faut que du sommeil reviennent

les sanglots, nous étions, nous étions et nous y serons, pour le reste du voyage, à travers les forêts de flamme et de stupeur, et pensant bien, et venant vite, tu te fermes et tu dis encore et encore : les flammes obscurément trahissent mon chemin, lumière en ténèbres, chaleur en froidure,

tu viendras, dans l’air qui force, dans l’air qui broie, qui tourne et recommence, au temps chaud, au temps un peu plus sombre.

04 août 2022.

1 commentaire:

  1. "Au temps un peu plus sombre", il écrit pour lever le jour. L’air est broyé en ce matin d’été, un silence béni envahit l’atmosphère. Une histoire d’hier au secret absolu, une perle de lune oublieuse des nuits. Le sommeil est grand dans les gorges du temps, la mort est vertueuse quand elle glisse sur l’étang. Le désir est plus grand que le ciel, les étoiles et le grand océan. Sur les chemins de cendre il dit ce qu’il écrit, et écrit ce qu’il dit, pour le partage des eaux et la joie des cristaux.
    "Ce qui fut sans lumière"*, parmi les choses dites, parmi les choses écrites, est ici l’aube du mot.


    *Yves Bonnefoy

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