lundi 25 mai 2020

Fleurs d’amandier.

                                      I


Parce que tout cela ne fut pas aimable, nous étions, nous y étions à regarder et croire, à chanter les merveilles, monde adoré, tout est éblouissant, je fus, je fus et tu deviens, sur la rive, au lointain tu passes et tout te traîne, tu tiens, et tu montes, cheval de rêve, chemin éblouissant des fleurs d’amandier.

Froid le matin et tout à considérer, l’animal et le raisonnable, et tout ce qui est interdit, ce monde meurt et, tout ce qu’il tient il le serre, je suis tremblant, je suis étonné, tout ensemble monte au ciel une prière, ombre et inquiétude, les enfants meurent, tout est en appauvrissement, tout tourne.

Tout saisit, il faut, encore dire : la vie suavement étire un doigt, un œil, j’en suis, j’en suis à l’abandon, tout dressé, reprends, reprends, armes et bannières, frappe, il est temps, la vie, silence abandonné, tout cela ne fut pas aimable, nous étions, nous y étions à regarder, croire, chanter les merveilles.

Le temps et l’espace, tout ici est mourant, le pied des vignes, les cailloux, silex et aventure, dans le grand vent, tout souffle et arrache une à une les larmes, tout ensemble, enfants noyés, enfant perdus de grillage et de pierres, poches chargées, tout a coulé, au fond il y a la vase, le berceau de grillage.

De cailloux je suis, je suis et encore bien plus encore, on voit inversement des images et la force et le temps, tout est crispé sur cette retenue, je tiens votre mort pour une certitude, rien ne changera cette face, ce versant, enfants perdus, noyés, étrangement défigurés, mères aux cailloux, et vierges.

Sur les rochers pleurez, pleurez, et dites, redites pauvres croyantes si petites, dites, redites, ils sont partis, ils sont loin et nous ne voulions aucune intelligence, pas d’étincelles, rien pour rien, du vent et des cailloux, silex, silex, sans étincelle, tout cela ne fut pas aimable, nous sommes, nous voulons.

Des chemins, des chemins, nous sommes oppressés, nous sommes à la racine, monde sans gloire, tout au passé, ici les étrangers repassent, tout aux cailloux, tout au désespoir, tout à la menace, avance et viens comprendre, retourne chaque pierre au pied des souches, plonge, plonge, reprend.

Il y a, il faut, sans pleurer se convaincre, le monde est là et il retient la mort, tout est ensemble, tout au ciel dépose l’oubli, la peur, le départ, tout ici se retient, rien ne compte, je suis en toi, tu es l’ensemble, au ciel bleu les étoiles en déclin, tout scintille, sans savoir au matin les oiseaux le soleil, lèvent.

Tout en écrin, tout est constant, la majesté ignore de la main droite sa charité, main gauche pour l’outrage, tout encore pour l’étranglement, je tiens, tu viens, tous ils ignorent, et l’ignorance signe l’appartenance, tout au système, tout au rejet, j’en suis encore, en liberté, le voyage à peine commence.

Tout cela ne fut pas aimable, on se déplace, nous étions, nous y étions à regarder et croire, à chanter les merveilles, je plonge et je ramène corps perdus, enfants noyés, cailloux et silex, armes et bannières, pays guerrier de pauvre temps et de si grande, si grande misère.
II

De rêves, de cailloux, enfants sans espérances, on en laisse trop, et on commence, on laisse tout, ce tout laissé, comptez et recomptez, au jardin tout on coupe et recoupe, rien au rien ne s’emporte, tout le reste est à brûler, infiniment et pour longtemps le bien transperce, j’en suis ici et j’en retiens,

beaucoup et encore plus et encore bien plus loin, les jours heureux, les champs, au pied les souches et les cailloux, silex muet, bannière et armes déposées, j’entends la guerre, j’entends les champs traversés de misère et sans rien à en dire, le froid, la peur, tout est au loin, au plus profond, oiseau chanteur,

et visage d’espérance, figure instable, regard mêlé, je tiens, tu viens, tout ici te demande, coupe et recoupe et rien ne laisse, ta vie étrangement bascule du pied de l’un au regard de tout, tout ce tout indifférent, sans limite dévore et mutile, enfants perdus, cœurs éloignés, la bonté, tout sans rien,

se dire en abandon, sans y penser, sans rien en dire, penser encore où sont les fleurs d’amandier, il reste, il reste un souvenir, en haut, arbres en feuilles, recommence, trace de temps, tu défigures l’espace et tu deviens sans y penser un étranger, aux étoiles tout est parti, la nuit, une prière, je tiens,

tu viens, et rien encore, on désespère, j’en suis ici étrangement à dire et à faire, mères perdues, silex muet au pied des souches, tout ici au vent se désespère, sèche et attend l’arrachement, la vie, la misère, j’en suis encore à mon premier voyage, on ose presque le printemps, j’en suis, j’en viens, tout,

ici, de tout ce tout, je tiens, prière et chanson, je vous regarde et tout ici, se traîne et succombe, enfants perdus, mères éreintées, au moins saurons-nous lire et écrire, encore plus compter sagement les fleurs d’amandier, une à une, cinq à cinq, le tout est au grand reste, la volonté, le plaisir, pour la joie,

immense, fleurs de neige et tout ici reste, au plus grand reste, fleurs d’amandier et fleur de neige, au froid et à la certitude le temps passera, enfants perdus, mères éprouvées, à l’abandon, j’en viens, j’en suis et éclate et viens ici, vengeance et fleurs blanches sur le devant, en l’air, en bas, on abandonne,

main tendue et cœurs ouverts, échange, travail et désir tout manque, la vie entendue, le soleil levé, les yeux ouverts les orage qui passent et tout encore des merveilles du monde consoleraient presque, regard clair, joue reposée, baisers offerts, joie et bonté généreusement, sans trembler sans retenir,

fil tendu et main en caresse, enfant reposé, tu comptes une à une les fleurs.

05 Août 2016.

1 commentaire:

  1. Pour décrire les fleurs d'amandier,
    l'encyclopédie des fleurs et le dictionnaire
    ne me sont d'aucune aide...
    Les mots m'emporteront
    vers les ficelles de la rhétorique
    et la rhétorique blesse le sens
    puis flatte sa blessure,
    comme le mâle dictant à la femelle ses sentiments.
    Comment les fleurs d'amandier resplendiraient-elles
    dans ma langue, moi l'écho ?
    Transparentes comme un rire aquatique,
    elles perlent de la pudeur de la rosée
    sur les branches...
    Légères, telle une phrase blanche mélodieuse...
    Fragiles, telle une pensée fugace
    ouverte sur nos doigts
    et que nous consignons pour rien...
    Denses, tel un vers
    que les lettres ne peuvent transcrire.
    Pour décrire les fleurs d'amandier,
    j'ai besoin de visites
    à l'inconscient qui me guident aux noms
    d'un sentiment suspendu aux arbres.
    Comment s'appellent-elles ?
    Quel est le nom de cette chose
    dans la poétique du rien ?
    Pour ressentir la légèreté des mots,
    j'ai besoin de traverser la pesanteur et les mots
    lorsqu'ils deviennent ombre murmurante,
    que je deviens eux et que, transparents blancs,
    ils deviennent moi.
    Ni patrie ni exil que les mots,
    mais passion du blanc
    pour la description des fleurs d'amandier.
    Ni neige ni coton. Qui sont-elles donc
    dans leur dédain des choses et des noms ?
    Si quelqu'un parvenait
    à une brève description des fleurs d'amandier,
    la brume se rétracterait des collines
    et un peuple dirait à l'unisson :
    Les voici,
    les paroles de notre hymne national !


    Mahmoud Darwish


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