Arrache, arrache et pose au sol, une herbe ni bonne ni mauvaise, comme un rien et comme une évidence, le cœur tourne et les armes balancent au poing, herbe arrachée, cœur délacé, comme une certitude, guerrier sans habileté, tu serais à ta place, tu tirerais du sang de chaque caillou, sans habileté,
guerrier d’habitude, tu effaces du monde le ni bon ni mauvais, et arrachez, arrachez, une évidence, le mépris est dans ta place et tu règnes avec sur chaque jour tordu, sans relâche et avec application, qui t’a fait roi et que prends–tu de ce monde immobile, chaque jour tu le tords et chaque
trace tu l’effaces, sans habileté, mais quelle habitude, une vermine dans le cœur, petit oiseau blessé et tu attends et tu te rends d’un pas à l’autre d’un sentier à une rive, fleur éclatée, soleil brisé, tes pieds, tes pieds et toute ta figure, nous en sommes aux jours à raconter, fleur subtile, légende,
toute une savane et un désert, roches blanches et nues tu tiens et tu gardes, main fermée, bouche inutile, tu gardes et ton cœur et ton rang, guerrier sans habileté, corps tordu sous le ciel, et tout bleu et plus grand, tu fermes ton avenir sur le mépris et tu abrites un éclat de mal et un signe,
sur le côté, et tout autant tu tires et entasses plus d’herbe, plus d’herbe, plus encore, pour un feu, pour un départ, tu tournes et tu es de l’autre côté, soleil brisé et fleur fanée, tu retiens entre les doigts un reste de cendres, tout au remord et tout à l’inutile, jour tordu et fin de frisson, frisson
perdu et ombre noire, la mort en ce jardin a pris figure, fleurs arrachées, sommeil perdu, tu griffes, tu griffes et tout tu ratures, herbe séchée et pauvre main, au cœur une vieille chose, un soir en haut, un jour en bas et tout te dresse et tout te contemple, un avenir et du soleil, de corde et paille,
tout en tas, tout en tas, pour brûler, pour comprendre, je te regarde et je ne comprends pas, il fait bon et j’insiste, tu rentres et je te suis, il y a aux frontières de ce malheur la bonté qui attend, la charité qui se repose, pour le moment tu es au mépris, au regard craché, à l’insulte, goût perdu, sans indulgence,
tout était en arrière et tout passe devant, depuis longtemps et pour toujours, l’arrière est passé devant et tu contemples, tu es au bord et tu triomphes presque, pour un avenir, pour chaque instant le poids est posé sur chaque pied et tout est suspendu, il faut, il faut trouver les coupures, construire
et tout entreprendre, figure, toute de force, il est peut-être déjà là, le temps du sauvage et de la vengeance, cœur solitaire et tu méprises, que reste-t-il, tu es en avance, tu tournes autour du même pied depuis longtemps et pour l’instant tu t’effarouches, d’un pied l’autre, le souffle puissant
et les yeux tournent et tu accroches de la nuit au bleu du jour, au ciel, les étoiles, et la lumière brille dans la lumière, soleil sans voiles, cœur innocent, tu reviens à l’âge sans pitié, le pied posé et sans fin, la beauté est posée sur la boue, soleil tout en éclat, cœur innocent, autorisé à tout reprendre,
il te reste encore la moitié de ton éternité. Arrache chaque trace et tout te signe, frisson perdu, paille sans goût et sans coupures, tout ton souffle est puissant, tu tirerais du sang de chaque caillou et tu attends et tu te rends, fleur éclatée, soleil brisé, jour tordu, la mort en ce jardin a pris figure.
11 Août 2015.
RépondreSupprimerHerbe au sol
comme une évidence
cœur brouillé
une espérance
arrogance
des jours défaits
une trace
l’oiseau griffe l’air
sur la rive du ciel
un éclat
le soleil courtise la fleur
petits cailloux blancs dans le cœur
signe bleu du jour en feu
doigts de cendre
la main légère comme un frisson
visages noirs dans le jardin
ombre perdue des fleurs mortes
une griffure __ une rature
le cœur percé par une lance
la nuit couvre le jour
le soleil est encordé
brûlure de l’autre
sa bonté irrésolue
où est la brèche
sous chaque pas
est l’avenir
ouvrir la manche
tendre le bras
la main accueille
le souffle va
l’œil du jour
essaime les étoiles
lumière bleue __ soleil nu
la Beauté assise sur les genoux du poète
amère et injuriée elle glisse dans la boue
effroyable jardin
de paille inodore
de cailloux secs
gorgés de sang
"Jadis, si je me souviens bien, ma vie était un festin où s'ouvraient tous les cœurs, où tous les vins coulaient.
RépondreSupprimerUn soir, j'ai assis la Beauté sur mes genoux. − Et je l'ai trouvée amère. − Et je l'ai injuriée.
Je me suis armé contre la justice.
Je me suis enfui. Ô sorcières, ô misère, ô haine, c'est à vous que mon trésor a été confié!
Je parvins à faire s'évanouir dans mon esprit toute l'espérance humaine. Sur toute joie pour l'étrangler j'ai fait le bond sourd de la bête féroce.
J'ai appelé les bourreaux pour, en périssant, mordre la crosse de leurs fusils. J'ai appelé les fléaux, pour m'étouffer avec le sable, le sang. Le malheur a été mon dieu. Je me suis allongé dans la boue. Je me suis séché à l'air du crime. Et j'ai joué de bons tours à la folie.
Et le printemps m'a apporté l'affreux rire de l'idiot.
Or, tout dernièrement m'étant trouvé sur le point de faire le dernier couac ! j'ai songé à rechercher la clef du festin ancien, où je reprendrais peut-être appétit.
La charité est cette clef. − Cette inspiration prouve que j'ai rêvé !
"Tu resteras hyène, etc...," se récrie le démon qui me couronna de si aimables pavots. "Gagne la mort avec tous tes appétits, et ton égoïsme et tous les péchés capitaux."
Ah ! j'en ai trop pris : − Mais, cher Satan, je vous en conjure, une prunelle moins irritée ! et en attendant les quelques petites lâchetés en retard, vous qui aimez dans l'écrivain l'absence des facultés descriptives ou instructives, je vous détache ces quelques hideux feuillets de mon carnet de damné.
Arthur Rimbaud / Prologue d'Une saison en enfer